? deux jours de l¡¯expiration du mandat de l¡¯actuelle mission internationale en Ha?ti, le Conseil de s¨¦curit¨¦ a tranch¨¦ : une?Force de r¨¦pression des gangs (FRG)?de 5.500 soldats et policiers prendra le relais. Cr¨¦¨¦e pour une dur¨¦e initiale d¡¯un an, elle sera ¨¦paul¨¦e par un nouveau bureau onusien charg¨¦ de lui fournir un soutien logistique et op¨¦rationnel indispensable.
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La r¨¦solution du Conseil autorisant la nouvelle force a ¨¦t¨¦ adopt¨¦e mardi par?12 voix pour et 3 abstentions?¨C celles de la Chine, du Pakistan et de la Russie. Pr¨¦sent¨¦ conjointement par les ?tats-Unis et le Panama, le texte confie ¨¤ la FRG?des effectifs cinq fois sup¨¦rieurs?¨¤ ceux d¨¦ploy¨¦s jusqu¡¯ici et un mandat ¨¦largi : mener des op¨¦rations cibl¨¦es contre les gangs, s¨¦curiser les infrastructures vitales, ¨¦pauler la police et l¡¯arm¨¦e ha?tiennes, et pr¨¦parer la tenue d¡¯¨¦lections libres en Ha?ti.
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? La d¨¦cision de ce Conseil, aujourd'hui, marque un v¨¦ritable tournant ?, a salu¨¦ ¨¤ l'issue du vote Ericq Pierre, l'ambassadeur ha?tien ¨¤ l'ONU. ? En dotant la mission de mandats renforc¨¦s plus offensifs et plus op¨¦rationnels, le Conseil donne ¨¤ la communaut¨¦ internationale les moyens de r¨¦pondre ¨¤ la gravit¨¦ de la situation en Ha?ti ?.
Contrairement aux op¨¦rations de maintien de la paix classiques, la force sortante ¨C officiellement la?Mission multinationale d¡¯appui ¨¤ la s¨¦curit¨¦ (MMAS)?¨C n¡¯est pas sous l¡¯¨¦gide de l¡¯ONU ¨¤ proprement parler. Dirig¨¦e par le Kenya, elle est pourvue d¡¯un mandat limit¨¦, avalis¨¦ par le Conseil. La future FRG s¡¯inscrit dans la m¨ºme logique. Elle agira dans le cadre du?chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui habilite le Conseil ¨¤ autoriser l¡¯usage de la force lorsque la s¨¦curit¨¦ internationale est menac¨¦e.
Un pays ravag¨¦ par la violence de gangs
La crise actuelle plonge ses racines dans la fragilit¨¦ chronique du pays, marqu¨¦e par des d¨¦cennies d¡¯instabilit¨¦ politique, de pauvret¨¦ extr¨ºme et de catastrophes naturelles ¨¤ r¨¦p¨¦tition. Mais c¡¯est l¡¯assassinat du dernier pr¨¦sident ¨¦lu, Jovenel Mo?se, le 7 juillet 2021, qui a pr¨¦cipit¨¦ la bascule : vacance du pouvoir, luttes de clans et effondrement progressif des institutions ont ouvert la voie ¨¤ l¡¯expansion des gangs, d¡¯abord ¨¤ Port-au-Prince, la capitale, puis dans l¡¯ensemble du pays.
Aujourd¡¯hui, Ha?ti vit au rythme d¡¯une violence syst¨¦mique : meurtres, viols collectifs, enl¨¨vements, rackets et si¨¨ges de quartiers entiers. Plus d¡¯un million de personnes ont ¨¦t¨¦ d¨¦plac¨¦es et 5,7 millions font face ¨¤ une ins¨¦curit¨¦ alimentaire aigu?. ? Port-au-Prince, pr¨¨s de 85 % du territoire est sous la coupe de gangs lourdement arm¨¦s qui imposent la terreur. ? Voil¨¤ le visage d¡¯Ha?ti aujourd¡¯hui ?, a martel¨¦ la semaine derni¨¨re Laurent Saint-Cyr, le chef de l¡¯ex¨¦cutif ha?tien, ¨¤ la tribune de l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale de l¡¯ONU. ? Un pays en guerre, un Guernica contemporain, une trag¨¦die humaine ?.
Les mises en garde de l¡¯ONU
Pour William O¡¯Neill, expert d¨¦sign¨¦ des Nations Unies sur la situation des droits humains en Ha?ti, la transformation de l¡¯actuelle mission k¨¦nyane est cruciale : ? Pour vraiment inverser la tendance, d¨¦manteler les gangs et reconqu¨¦rir des territoires, il faut une force beaucoup plus robuste ?. L¡¯ancienne mission, souligne-t-il, n¡¯a ? jamais dispos¨¦ du mat¨¦riel ad¨¦quat ? et n¡¯a ? m¨ºme pas atteint la moiti¨¦ des effectifs pr¨¦vus ?.
Le nouveau Bureau d¡¯appui des Nations Unies en Ha?ti (BANUH), cr¨¦¨¦ par la r¨¦solution, sera cens¨¦ combler ces lacunes en fournissant vivres, carburant, infrastructures, moyens a¨¦riens et maritimes, ainsi qu¡¯un m¨¦canisme de remboursement des ¨¦quipements. William O¡¯Neill juge cette dimension logistique d¨¦cisive : jusqu¡¯ici, les forces d¨¦ploy¨¦es ? ont manqu¨¦ de v¨¦hicules adapt¨¦s au terrain difficile, de pi¨¨ces de rechange, d¡¯h¨¦licopt¨¨res et de moyens maritimes ?, incapacit¨¦ qui a laiss¨¦ aux gangs la possibilit¨¦ de bloquer les routes et d¡¯isoler la capitale.
Washington et Panama en premi¨¨re ligne
? l¡¯issue du vote du Conseil, le repr¨¦sentant des ?tats-Unis, co-auteur du texte, a salu¨¦ une d¨¦cision qui permet, selon lui, ¨¤ la communaut¨¦ internationale de ? se mettre ¨¤ la hauteur ? du d¨¦fi s¨¦curitaire ha?tien. Si la MMAS a permis ? d¡¯¨¦viter un effondrement complet du gouvernement ?, elle n¡¯avait pas, a-t-il reconnu, ? les moyens n¨¦cessaires pour r¨¦ussir ?. ? Le vote d¡¯aujourd¡¯hui rectifie cette situation ?, a-t-il insist¨¦. Washington a appel¨¦ ¨¤ des contributions volontaires pour financer la mission, tout en soulignant que les Ha?tiens devront ? ¨¦laborer eux-m¨ºmes un plan afin de reprendre leurs responsabilit¨¦s en mati¨¨re de s¨¦curit¨¦ ?.
Le d¨¦l¨¦gu¨¦ du Panama, Eloy Alfaro de Alba, s¡¯est ¨¦galement f¨¦licit¨¦ de ce vote, estimant que ? le peuple ha?tien ne pouvait plus attendre ?. Soulignant le large appui r¨¦gional et international dont b¨¦n¨¦ficie la future FRG, il a exprim¨¦ l¡¯espoir que ce nouvel effort permette de r¨¦tablir la s¨¦curit¨¦ ? n¨¦cessaire ¨¤ la restructuration politique ? et ¨¤ la tenue d¡¯¨¦lections.?
Les r¨¦serves de Moscou
Au milieu de ces louanges, la Russie, qui s¡¯est abstenue, a d¨¦nonc¨¦ une ? aventure dangereuse et mal con?ue ?. Son repr¨¦sentant a reproch¨¦ au Conseil de r¨¦p¨¦ter les erreurs de la MMAS, min¨¦e par le manque chronique de financements et l¡¯absence d¡¯¨¦valuation s¨¦rieuse de son efficacit¨¦. Il a mis en garde contre une mission dot¨¦e d¡¯un mandat ? quasi illimit¨¦ ? pour recourir ¨¤ la force, sans m¨¦canisme clair de financement ni garanties sur le recrutement de son personnel.?
Moscou a aussi critiqu¨¦ la volont¨¦ des ?tats-Unis d¡¯imposer des d¨¦cisions ? sans d¨¦bat suffisant ?, estimant que la v¨¦ritable solution passe par le renforcement des capacit¨¦s de l¡¯?tat ha?tien, pour qu¡¯il puisse lui-m¨ºme r¨¦tablir l¡¯ordre.
Des attentes immenses, une issue incertaine
Quelques jours plus t?t, lors de son passage ¨¤ l¡¯ONU, M. Saint-Cyr avait d¨¦fendu la cr¨¦ation de la FRG, alertant sur les dangers d¡¯un vide s¨¦curitaire ¨¤ la fin de la mission k¨¦nyane, le 2 octobre.
Reste ¨¤ savoir si la nouvelle force sera ¨¤ la hauteur des attentes. Pour William O¡¯Neill, tout d¨¦pendra de sa capacit¨¦ ¨¤ ? reprendre le contr?le des grands axes ? et ¨¤ redonner aux Ha?tiens la libert¨¦ de circuler sans ¨ºtre ran?onn¨¦s. ? Les gangs ne sont pas si puissants quand on y regarde de pr¨¨s. Ils n¡¯ont jamais affront¨¦ une v¨¦ritable force professionnelle, bien entra?n¨¦e et ¨¦quip¨¦e. La population les hait, ils n¡¯ont aucun soutien ?. Mais l¡¯expert avertit : sans lutte contre l¡¯impunit¨¦, la corruption et l¡¯in¨¦galit¨¦ extr¨ºme, la?Force de r¨¦pression des gangs?ne risque d¡¯apporter qu¡¯un r¨¦pit.
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